Croisières au jardin
Tout nous arrive droit au cerveau, surtout les pensées, mais
quand votre regard atterrit sur un objet, une image ou une plante fleurie dont
le nom vous échappe ou la beauté vous interpelle, c'est à ce moment que
l'enquête commence. Je ne sais plus quelle direction prendre, mais vu que nous
traversons une période légèrement caniculaire, je me suis dit : allons
vers l'eau ! Mais voilà, en cours de route je me laisse distraire par ces
gens droits ou courbés, que je vois affairés à jardiner. Ils sont peu nombreux,
çà et là, en ce matin estival, à vouloir arroser ce qu'ils possèdent d'espoir
de récolte. Sur la côte ouest, c’est bien connu, c’est vivement vert, rarement
rouge.
De loin, ce regroupement de jardinets m’annonce la présente
d'une certaine abondance de formes et de couleurs. Bon, intéressant, je
m'oriente vers l'une des entrées pour découvrir et admirer de plus près l'objet
de tant d'efforts. Mais comme vous savez, dans un tel lieu il y a de tout,
comme il en existe dans les activités humaines. Voici, je me retrouve au beau
milieu d'un jardin vivrier ou communautaire. J'en observe un en particulier qui
me semble très réussi. J'y remarque des structures de soutien pour faciliter la
croissance de certaines plantes et une utilisation combien judicieuse de
l'espace. Lorsque vous détenez 15 m carrés pour cultiver, tout est calculé
et vous devez faire preuve d'ingéniosité. Je suis étonné de l'acharnement avec
lequel certaines gens parviennent à faire de leur petit potager urbain, un
succès économique et esthétique.
Ce couple, très minutieux, ce n'est pas la première fois que
je l'observe, possède un petit véhicule motorisé de fabrication allemande. Ils
ont hérité d'un lot abandonné par l'occupant précédent. À part le sol, déjà
prêt à cultiver, tout était à réaliser, de la semence à la récolte. Mais voilà,
je suis agréablement surpris par la symétrie particulière et l'abondance à
venir qui se dessine. De nos jours, on parle beaucoup de potager de subsistance
et d'autosuffisance alimentaire. Cependant, cet homme et cette femme ont l'air
plutôt des gens à la fois pensionnés et passionnés, mais dont le loisir
principal est, vous l'aurez deviné, le jardinage presque quotidien. Oui,
jardiner, c’est beaucoup une affaire de disponibilité.
photo:Bryan McGill |
Il y a de la diversité alimentaire dans ces jardins
potagers. Des gens modestes, jeunes ou moins jeunes qui visent à optimiser, le
temps venu, le fruit de leur labeur et dont le succès n'est pas toujours
assuré. Cette apparition d'urbainculteurs et d'urbaincultrices est un phénomène
en partie cyclique à intensité variable. On y cultive avec imagination, que
l'on soit au niveau du sol ou sur les toits. Durant les conflits ou en temps de
crises, il y a toujours eu cette pratique obligatoire de subsistance. De
l'agriculture paysanne ou conventionnelle, nous sommes passés à celle de
mondialisation d'une industrie alimentaire. Ici, comme dans bien d'autres
villes et villages, l'acte de jardiner cache plus qu'un désir d'économiser sur
le panier d'épicerie. Il signifie une volonté d'acquérir un savoir-faire à
travers des lectures, des réflexions, des échanges d'informations et une bonne
dose de pratique.
Une fois sortie de ce jardin vivrier, je poursuis ma route,
pour ensuite atteindre l'océan. Admirables ces montagnes si souvent à la
merci des nuages. J'y remarque des camions réfrigérés et des citernes de
carburant en attente, chargés d'approvisionner deux bateaux de croisière
amarrés dans le port. Je paris qu'il faut bien plus que quelques jardins communautaires
en production pour nourrir les vacanciers à bord des ces opulents navires
océaniques. Ils sont comme un estomac flottant ceinturé par le Break Water d’Ogden Point. D'un côté, le plaisir de jardiner jusqu'à la
récolte, et de l'autre, des calèches, deux triporteurs, trois autobus, dix
taxis, des marcheurs. Les plaisanciers de la mer nous arrivent, plan de la
ville d'une main et caméra de l'autre. En ce 150e anniversaire, Victoria
accueille, nourrit et divertit.
Normand Hébert
louisjardin@hotmail
Photo0408 Bryan McGill
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