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24.3.18

Magazinel'Entr'aînés042018


Fleurs interdites

SVP, s’abstenir! Pas de fleurs, c’est trop jeté à la rue. Au lieu, faites un don pour la recherche sur les maladies et contre la souffrance qui assaillent inlassablement le coeur sensible et le corps travailleur.
Mais voyons, admettez-le, il dit préférer à la recherche très scientifique, les arrangements du fleuriste du coin. Il le connaît peut-être. C’est un ami de la famille, un voisin, qui sait. Vous avez déjà entendu ce refrain controversé, légitime.

Oui, je comprends, ce bouquet, ensuite, il ira tout droit à sa perte. De plus ces fleurs, elles ne font pas très propres. Si vous saviez dans quelle condition on les cultive, avec quel engrais, quel produit systémique. Du tout chimique! De plus, ces compositions florales n’ont pas grandi ici en pleine nature. Elles ont fait du voyage. Et ces petites mains lointaines et sous-payées...
Facile à s’imaginer. C’est comme l’élevage animal. On force, on fait dans l’optimal et on achemine le paquet à destination, à nous, à eux.
Les fleurs et les plantes en soie, celles en plastique, cultivées à l’étranger. Ah! c’est le bouquet. Belle affaire!
Encore un débat autour de la rectitude, du correctement acceptable. Est-ce que les gens éprouvés se soucient de toutes ces histoires? Jeunes, ils répondront: à bas tout! Aujourd’hui, vieux, jeune ou moins jeune, le sujet soulève les contraires. Je choisis d’être subjectif, de prendre position. À fond, pour une cause toute fraîche. Tous ces « je », devenons « nous. »

Je n’ai rien contre la science, ses brochures et ses chercheurs. Vous verrez. C’est très juste même d’envoyer des gens dans l’espace infini, de modifier la chaîne génétique. Mais d’ici là, je préfère le voyage sur terre, à rêver et vivre un tour d’émotion et offrir un arrangement floral, un témoignage de circonstances. J’admets, le sujet dérange et met certains esprits en position d’attaque ou sur la simple défensive.

Il y eut le grand A, des paroles, un projet et puis quoi encore? Ah oui, la grande fin. La finitude dans un clignement d’yeux comme d’un souffle une bougie qui s’éteint. Tout est très aménagé, calme, routine; soudain vous voilà physiquement hors champ. Une fraction de seconde et vous êtes clic. Tout autour et si loin à la fois, on finit à travers d’intenses souvenirs à vous observer dans votre éternité. Aucun ne parviendra à vous l’enlever.


Au terrain du cimetière paroissial, plusieurs années ont passé. Où j’avais planté quelques hautes tulipes et des jonquilles, ce cimetière demeure et toujours occupé. Alors, planter des bulbes c’est une façon de dire ce qui n’a pu être dit. Un geste offert, en dernier recours, à l’autre.




Le mois du décès, la terre, avec la saison qu’il faisait se trouvait durcie; tandis que les émotions trop montantes s’agrippaient au corps des survivants. Aujourd’hui, y sont-ils toujours, ces bulbes? J’irai les voir s’épanouir, les admirer devant soi, dans toute la splendeur déployée, aux teintes fortes et définies devant les rayons persistants. Mais c’est si loin tout ça, les cercueils, les années, que je me résigne et, finirai bien par y aller, en songes, cette fois.
Ces tulipes, elles iront en se contractant un jour à la fois jusqu’à pâlir et puis redescendre en elles-mêmes. Elles renaîtront poussées par une pareille saison, de quelques couleurs drapées pour un second numéro, devant cette foule inhumée, parmi ces brins d’herbe à nouveau réveillés, se forçant eux-mêmes un passage.

De nos jours, le cimetière existe peuplé de silence. Les êtres n’oublient pas, ils ont peut-être au mur une photo encadrée, un meuble souvenir ou encore, quelque part, un signet mortuaire bien conservé. Avec avril, la poussée est considérable et en nous résonne toujours cette mystérieuse contradiction.

Louis Céline

Réverbère042018


La couleur promise

Beretta et petit Colt inox, armes d’assaut ou rose à la boutonnière, il existe de ces objets qui font lever le sable et sont capables de vous déraciner un humain. Pétard! Il ou elle s’écroule.
Le mois dernier a voulu encore que les bougies et les bouquets soient à l’honneur ici et là sur la planète scolaire. Hélas, les jolies fleurs et les armes de fer sont souvent appelées à se présenter au même rendez-vous. Voilà l'autre trou noir.

Ce mois-ci je veux vous parler d’une annuelle, l’héliotrope. Je la connaissais de nom parce qu’il y a longtemps, un ami belge avait sans insistance attiré mon attention à son sujet. Non, pardon, c’était autour d’une autre plante annuelle très herbacée, elle aussi, le coléus. Plante de feu puisque son feuillage puissant demeure sans contredit, un ramage de coloris qui fait tourner les têtes. Ses fleurs sont insignifiantes. Mais peu importe. Oui, assez pour le coléus! À l’ombre ou au soleil. Va au soleil, mais, n’aller pas le priver d’eau, si en plus, il a la tête gonflée de feuilles minces, et au vent exposé. Donc, de feuilles ou de fleurs, elles sont d'étoiles promises.

Arrosoirs, soulevez-vous
Avant de dévoiler le secret de l’héliotrope, je veux ouvrir un bref et franc débat autour de l’arrosage. L’été, obstinément, viendra à nous. Justement, ce matin, j’ouvre l’oeil à huit heures moins dix. Je suis toute oreille à écouter à la radio communautaire 107,9 FM l’animatrice du matin et la collaboratrice régulière à l’écologie, nous parler d’eau et de gaspillage. Disons Marie Céline pour brouiller la piste, et soulever son chapeau.

Devons-nous arroser le soir ou le matin? Un jardinier ou une jardinière lui avait affirmé qu’il valait mieux arroser le soir. La plante a toute sa nuit pour se gorger d’eau versée la veille et amorcer le matin venu, l’activité première essentielle de la feuille, la photosynthèse. Véritable usine productrice silencieuse d’oxygène, celui que nous respirons, machinalement.
Alors...Bêtise? Non. C’est parfois comme la recherche. Deux théories s’affrontent au nom de l’inlassable désir de vérité.
À une époque peu lointaine, un vieux derviche de jardinier de la région de Québec, voisin de chez Huguette et Jean-Paul, m’avait dit ceci: vous savez, une plante n’aime pas s’endormir les pieds dans une cuvette saturée d’eau. Ce qui veut dire en langage paysan qu’elle pompe le jour l’eau nécessaire (du terreau si elle est en contenant) et se couche les pieds au sec.
C’est la pratique à laquelle j’ai adhéré. Cependant, il est d’usage courant que si vous remarquez, en soirée, que le feuillage montre des signes d’affaissement, il vaille mieux lui verser un petit coup. Le lendemain, le feuillage aura rebondi et le cycle convenable d’arrosage se poursuivra. De plus, ici, notre climat compte très peu de nuits chaudes d’où la prolifération de ces super limaces toujours secrètes et, obscurément en appétit.

Vous savez, l’héliotrope, c’ est une plante, actuellement, plutôt introuvable. Rares sont les semences offertes. La raison en est simple, elle se bouture, surtout. Elles se retrouvent souvent utilisées comme plante en panier suspendu. D’ailleurs, les jardineries Garden Works les utilisent dans la composition de leur arrangement. Cette plante odorante, agréable à observer, est originaire du Pérou. [D’ailleurs, Camus en parle lorsqu’il dépeint son Algérie natale.] Cet héliotrope se présente, florissant, en des tons de violet et exige une bonne dose d’ensoleillement.

À partir d’une bouture? Oui, de préférence. À suivre, je vous assure, les mois prochains, vos photos.

louisjardin@hotmail.com

Réverbère032018


Une brioche au passage


C’est bien ici, c’est beaucoup chez soi, d’un côté des individus en uniforme, de l’autre des passants. Le soleil a complété sa courbe et le voilà, comme un vent, rendu ailleurs. Il y a quelques mois, il n’aurait jamais cru découvrir ce mini-lieu, retranché , à deux pas d’une piste cyclable, et du pont-bascule, blanc. Une parcelle restante de terrain, conçue comme un passage, paysager, sans nom apparent et semi-public.
Cet aménagement porte sa marque distincte, il est situé entre des immeubles suffisamment éloignés, où des portes-orangers à gros numéros vous interpellent, le temps d’un coup d’oeil. C’est un passage où la pelouse ressemble à un pissenlit solitaire. Un sentier court, où l’eau se mêle à une végétation; comme si elle avait toujours été, là, à se décomposer, à se refaire, devant des façades de verre.

Sur cette bande de terre, faible en inclinaison, on y voit toute la force de l’architecte, soucieuse de recréer un environnement aussi fidèle possible du lieu primitif. Qu’y voit-on? Des formes rocheuses
et végétales. Du salal, des mahonias, des cotonéasters rampants, des potentilles naines et du bouleau droit. Des souches de nénuphar hivernent invisibles accrochées au fond des mares. Des écrevisses et des épinoches composent une partie de la vie aquatique. Une diversité humaine dans une écologie incomplète, mais en développement.

Enfin, qu’a-t-il de plus à offrir ce passage?
Si vous faites vite, une brève impression et un vague souvenir. Cependant, si on s’y attarde ou après quelques visites espacées, on y découvre la vie du moment et des reflets sortis de l’étang. Son corps longiligne, ses cascades, du sud au nord, du nord au sud, nous mènent ailleurs tout en demeurant au même endroit. Voilà sa force, voilà sa contribution. Il vous fait passer d’un lieu à un autre, d’un état présent à un état nouveau.

Endroit imperturbable sans fantaisies apparentes, juste ici, entouré de pics neigeux et de cerisiers japonais. À une extrémité du passage, le Fol Épi, boulangerie-pâtisserie-café, de quoi se faire plaisir autrement.

At Céline’s D Garden


Photo: LNH "Il neige parfois"