Elle avançait seule le portant au bas
du dos juste au-dessus de la ligne du popotin; son objet de tous les jours. Un
Felco, son sécateur planté dans un étui en cuir véritable d’où sortaient deux
poignées, rouge vif, toujours disponible. Jardinier au féminin et horticultrice
redoutable.
Jzl marchait d’un pas court et décidé
toujours à la gauche droite, gauche droite. C’était son genre. Femme forte
sortie du rang et de taille très moyenne, elle savait imposer ses conditions,
jusque dans le bureau de ses contremaîtres surtout masculins.
Au Service des parcs, son ancienneté
lui avait permis de s’assoir dans un poste de chef d’équipe derrière le volant
d’un Ford pick up blanc, de location.
Sans casquette, même si en porter aurait
paru plus conforme à sa nature, Jzl pouvait abattre sous un soleil de plomb un quart
de travail intense. Affectée depuis des années à l’entretien des parcs et des
îlots de verdure durant la saison estivale, Jzl portait en elle la vocation d’ouvrière
horticole tout comme une connaissance aiguë du monde végétal.
Lorsque venait, comme à chaque année,
l’opération de plantation des annuelles dans le terre-plein de l’avenue
Atwater, les chefs d’équipe tenaient à se concerter afin de mener à terme ce
que plusieurs qualifiaient d’opération d’enfer. Dans le bruit, la circulation
rapide ou lente, la chaleur, la pluie et parfois les insultes des
automobilistes, mille géraniums avec en bordure
des plants retombants devaient être plantés avant le traditionnel long
weekend de mai.
C’est elle qui souvent prenait les
commandes de l’opération de la côte du marché Atwater. Puisque sachant manier
la politesse jusqu’à l’insulte, Jzl ne reculait que devant la sécurité des
travailleurs menacée.
À une reprise, elle avait su virer un
camion et son chauffeur; la livraison d’un trois verges de terre, après avoir
constaté que celle-ci était de la terre noire uniquement. Retourne ça au clos
lui dit-elle. « Je n’en veux pas. Entre ici que de la terre à jardin
amendée et de l’engrais granulaire à libération lente. Décrisse avec ton truck! »
Dans l’entre faites, apparaît une femme accompagnée d’un homme à l’allure de
plombier. S’en suit quelques mots d’échange entre les deux femmes pour
entendre de la bouche encore tendue de Jzl : « La plantation
sera terminée par le quart de soirée. L’irrigation de nuit est confirmée et les
gicleurs seront activés par le service d’aqueduc.»
Frustré de s’être fait ordonner la
mesure, le camionneur en question dû à contrecœur se replier, clencher son six
roues et repartir avec son voyage de terre indésirable. Mais pourquoi? Jzl
n’avait que faire des compromis ou du propos fleurette. Dans son gène à elle,
il n’y a toujours eu qu’une seule bonne manière de faire son boulot… son œuvre.
C’était la sienne. Hélas! Que trop souvent aux yeux de certains et certaines.
Il ne restait qu’à tout ramasser et
décamper avant de recevoir un avis musclé du Service de police, signifier l’heure
de pointe imminente. 15h30 était à leur trousse avec un soleil bientôt dans le
rétroviseur.
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