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1.12.14

Réverbère 122014




Une feuille anonyme

Depuis la nuit des temps, le temps est précieux. Des douze mois au calendrier, il n’en restait plus qu'un et c'était décembre. Merci à l'année écoulée. Mais à bien réfléchir, comment était le vôtre, votre temps, la nuit?
Une nuit de novembre pendant laquelle le vent su s’inviter, j’entendis une sorte de déchirement douloureux et aigu, me tirer du sommeil.
Qu'arrive-t-il?
Chez le voisin trônait un énorme pin écossais composé de quelque millions d’aiguilles vertes ou brunes, surplombant le mur frontal de l’immeuble. C’est là que se trouvait le seul géant de son espèce qui encore occupait le paysage de ma rue. Les autres étaient ensemble disparus.
Je me suis dit : c’est fait! Ce même bruit dérangeant de tantôt provient sans doute d’une branche maîtresse, brisée, déchirée à l’horizontale, et que le vent s’obstine à traîner au sol. Ce même arbre qui me privait du soleil matinal; j’en étais presque ravi à l’entendre gémir dans sa nuit et d’imaginer même sa couronne en détresse se rompre puis être abandonner au destin. C'était injuste et trop demander.
Mais une fois debout, la porte-fenêtre de la chambre entrouverte, je compris, en présence de la lune, mon leurre et  la déception monter. Ce que j’avais perçu dans le silence de cette nuit particulière n’était nul autre que le frottement d’une simple grosse feuille desséchée, mue par le vent et, tourbillonnant à la surface du balcon. Celle-ci, semblable à une araignée géante, se mouvait sur ses pointes fragiles.


Venue d’un arbre environnant, cette grosse feuille anonyme, en voie de devenir matière organique, s'était échouée sur un balcon, notre balcon, et avait exprimé à sa façon,dans un bruissement très naturel; que même une simple feuille vieillie ne disparaît jamais sans venir vous dire au revoir et, à la saison prochaine.

Comme à chaque mois ce texte est publié dans le Réverbère, bulletin mensuel de la Société francophone de Victoria, Canada. 


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