Le jardin de
qui déjà?
Cette
fois-ci, j’en ai long à dire et à écrire. Je compte sur la clémence de la
rédaction, en chef. Après tout, c’est le grand jour, c’est le mois du Festival
de la francophonie de Victoria 2014.
Cette nuit,
je me suis réveillé et j’ai remarqué la présence d’une banane dans le ciel d’ici,
à six heures seize minutes, un clair quartier lunaire. En fait, nous étions
arrivés au vrai petit matin, quelque part autour d’un jour bleu et d’une nuit encore
hivernale de fin février. Oui, finement février avec derrière nous
janvier et devant, mars mois chargé de ses trente et un jours. Mais
tout brille encore autour du potager semi- éveillé, comme dans l’univers astral
du petit Jaco.
Heather, ma
voisine, est décédée; comme c’est souvent le cas au XXI siècle, du cancer. Je
vous en parle puisqu’elle me faisait un peu penser à Emily Carr, à sa manière,
on s’entend. Insulaire authentique, Heather faisait tout à pied, épicerie,
visites à son jardinet communautaire et soins
qu’elle prodiguait auprès des nécessiteux. Lorsque je l’observais discrètement; à genou à
aménager avec lenteur son espace jardin,
son work
in progress, à part le sujet épineux
des travaux du Strata, j’imaginais
difficilement ce qui pouvait bien trotter dans sa tête. Ce que je peux vous
dire et ce que j’ai appris plus tard, c’est qu’elle a fait don de sa maison et
de son jardin. Comme prénom :
Heather, de la famille botanique des Éricacées, bien destinée pour se reposer
en paix dans son jardin, celui de l’Île.
Vous connaissez
peut être madame Natasha puisqu’elle a déjà rédigé et signé un texte très favorable dans le Times Colonist
et le James Bay Beacon Community Newspaper au sujet de son conjoint,
artiste admiré et accompli de Victoria. Chaque
printemps, elle me demande de redresser son jardinet. Natasha, elle est tout
autre de ce que Heather aurait pu être, mais qu’elle n’a pas été. Cette dame
mondaine et victorienne me confie cette tâche puisque son dos lui en empêche.
Début
février, par hasard, nous nous sommes
croisés devant chez Cora sur Douglas (le royaume pas du petit à gros déjeuner)
à attendre le bus. Elle me parle en français,
mais après quelques efforts soutenus, elle passe en vitesse shakespearienne,
haut débit.
Tandis que
son mari, aux pas lents, et moi attendions,
elle se tourne et me dit: Bonjour Normand, Do
you do house cleaning? Je lui
réponds étonné, en anglais : Oh Natasha! Je ne fais pas de ménage. Et elle
me répond avec un sourire instable: I invent
things sometime. Elle voulait dire, faire le nettoyage printanier de son
jardinet, bientôt. Hélas, deux autobus se présentent à nous, je monte dans le premier,
bondé, le 31 et tous deux, elle et lui, satisfaits disparaissent dans le
suivant à moitié vide, le 3 vers Beacon Hill Park. Notre conversation jardinage
s’est comme éteinte, reportée, il va de
soi.
Madame Sutton, elle, elle fait dans l’immobilier et
possède également un jardinet dans les jardins communautaires James Bay. Elle
habite au pied du parc réaménagé dans une de ces tours à dollars non loin du
Fisherman Warf. Fascinant, vous me direz. Ce qu’il y a de plus étonnant, c’est
que les chances de se croiser au jardin sont plutôt rares. Avec les années,
c’est ce que j’ai pu remarquer. Ce n’est pas parce que l’on s’évite, mais c’est
comme ça, sans horaire sinon celui qui pousse au désherbage occasionnel et à l’arrosage
traditionnel. Chose certaine, je vais lui rappeler qu’il est possible de semer
des mange-tout en février. Pratique d’Hector que j’ai réussie.
Enfin, il y
en aurait bien un quatrième voisin au jardin, un fermier des Prairies, rentier
mais toujours en marche. Un vrai cultivateur, un éleveur, un pétrodollar, qui
sait. Chacun a son histoire.
Bon Festival!
Bon Cœur du monde! Bon théâtre à Renée!
Normand
Hébert
http://louisjardin13.blogspot.com
Aucun commentaire:
Publier un commentaire